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Home 2021 septembre 07 Dimanche 5 septembre – 23ème dimanche du Temps ordinaire: homélie du père Joachim Nguyen

Dimanche 5 septembre – 23ème dimanche du Temps ordinaire: homélie du père Joachim Nguyen

Dimanche 5 septembre – 23ème dimanche du Temps ordinaire: homélie du père Joachim Nguyen

Ephatha ! « Ouvre-toi !”

Frères et sœurs, c’est sans doute un bonheur de pouvoir prêcher le dimanche de la rentrée ; la rentrée scolaire et celle du catéchisme, avec le thème de la guérison du sourd-bègue. Jésus, en mission en terre païenne, la Décapole, une petite fédération de villes à l’est du Jourdain, rencontre un homme qu’on lui amène, fait un geste : il met ses doigts dans les oreilles et avec la salive qu’il a pris de sa propre bouche, l’a posée sur la langue de cet homme, à la langue liée. A ce moment-là, le sourd-bègue se met à entendre et à parler correctement.

Le rite d’Ephatha  un des rites du baptême, souvent omis par les célébrants et les parents. On le fait pour tous les enfants qui sont baptisés, précisément parce que tout baptême est une sorte de renouvellement de l’être même du baptisé et que cela correspond très bien pour les enfants. Ils n’ont pas encore l’usage de la parole, ils n’ont pas encore l’intelligence de la parole, et ce geste accompagné par la prière de délivrance implore Dieu pour que soit déliée l’intelligence de l’enfant et que sa faculté de discernement soit mise en œuvre au fur et à mesure de sa croissance.

Mais évidemment, c’est un peu circonstanciel de ne se référer qu’aux rites du baptême, et je voudrais en profiter pour parler d’un problème plus vaste qui nous concerne tous, surtout en ce début d’année, c’est celui du sens même de l’éducation. Précisément, qu’est-ce que l’éducation ? Je crois que dans une perspective chrétienne l’éducation se résume dans un seul mot : “Ephatha”, ouvre-toi. Les chrétiens considèrent l’homme à sa naissance comme une réalité qui n’a pas encore son capital de richesse spirituelle, humaine, pour pouvoir l’exercer pleinement. Nous devenons homme, et nous devenons chrétiens, essentiellement par cela même que nous recevons. Il y a fondamentalement dans tout projet éducatif, que ce soit pour des jeunes enfants, que ce soit même pour la formation des adultes, des catéchumènes il y a toujours à la base cette dimension de réception et d’accueil. La vraie responsabilité des parents, et la vraie responsabilité de l’Église, et la vraie responsabilité de toutes les institutions humaines qui sont au service de l’enfance et de la jeunesse, c’est d’abord d’assurer cette transmission et cette attitude d’éveil, de réceptivité, de répondre à l’attente dans le cœur des enfants.

C’est pour cela que le Christ ce jour-là a voulu ce geste pour ce sourd-bègue. Il sera toujours dans son bégaiement s’il essaie de construire sa propre parole à partir de ses pauvres capacités. Jésus lui dit : tu ne la construiras pas cette parole avant que j’aie ouvert en toi cette faculté de réceptivité. A partir de là, tu pourras ouvrir ton cœur, ton intelligence, ta sensibilité, ton imagination, ton affectivité. Tout ce qui te constitue, laisse-le d’abord s’éveiller selon ce qui t’est offert et ce qui t’est donné.

Tout cela suppose qu’une grande générosité de la génération qui assume les fonctions de transmission. Cette génération, c’est évidemment celle des parents, mais c’est aussi celle des grands-parents et d’une certaine manière c’est la société. Dans l’état actuel des choses, la société ne fournit plus d’explications claires aux interrogations essentielles sur la vie, l’amour, la famille, le travail, la foi, la mort, etc. Les réponses sont laissées à l’appréciation de chacun. Et, il faut bien le reconnaître, beaucoup de gens s’avouent exaspérés d’être constamment renvoyés à des réponses subjectives dont, en définitive, personne n’est sûr. Ils ont raison car, en principe, une société́ montre son degré de civilisation à travers sa capacité à transmettre des rites relatifs à la vie, à l’amour, à la mort, à une croyance, non seulement fondés sur l’intuition d’une transcendance présente dans le cœur de l’homme, mais qui également témoignent d’un passé, donnent sens au présent et rendent possible son avenir.

Qu’est-ce qu’une société vivante ? Ce n’est pas une société qui cherche à faire des ruptures avec tout ce qui la précède, à se perfectionner elle-même, c’est une société qui cherche à donner et à transmettre. Cela suppose une générosité incroyable. Cela suppose le fait qu’on ne cultive pas son bonheur au détriment de la génération qui vient. Cela suppose qu’on accueille cette génération et qu’on veut lui donner les outils pour qu’elle prenne sa véritable dimension et sa véritable place.

Cela suppose aussi que l’on laisse vivre la jeune génération non pas dans une idéologie de la construction de soi, cela viendra en son temps, mais dans le souci de lui dire : regarde les richesses qui te sont offertes, regarde ce qui t’est donné. Le bonheur que nous partageons nous comme parents, comme grands-parents, c’est cela qu’on veut partager avec toi. Cela ne veut pas dire qu’il faut étouffer les enfants de notre amour. Mais il faut savoir que chaque fois qu’un enfant doit s’éveiller à une réalité, si on ne l’aide pas à ouvrir toutes ses facultés spirituelles à cette réalité, il ne pourra jamais le faire exactement tout seul.

C’est à chacun dans sa vie de parents, dans sa vie professionnelle, dans ses responsabilités dans le milieu où il vit, d’essayer de réfléchir sur cette dimension authentique et nécessaire de la réceptivité, avec la générosité qui l’accompagne de la part de ceux qui donnent, et la capacité de s’ouvrir qu’il faut éveiller dans le cœur de ceux qui attendent de nous que nous transmettions le patrimoine d’humanité auquel ils ont fondamentalement droit.

AMEN

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